Homélie des ordinations 2022

28 juin 2022

Dimanche 26 juin 2022
Ordination presbytérale de Pierre-Louis Facq et Clément Loup.

Nous sommes dans la joie…

La joie de croire.

Joie de vivre une relation avec notre Dieu qui nous connaît, qui nous aime, qui se lie avec nous, avec les hommes.

Joie d’un amour qui nous appelle.

Joie d’une Eglise en marche, qui se rassemble pour accueillir et appeler deux de ses frères pour être ordonnés prêtres, liés au Christ, et envoyés pour servir leurs frères.

Joie qui ne vient pas effacer ce qui peut nous marquer, au sein de société comme de notre Eglise, ce qui peut nous atteindre de fatigues et de découragement… Mais joie qui nous invite à situer cela au cœur du don qui nous est fait, à la source de la Parole et des sacrements, de l’Esprit qui nous rassemble.

Joie avec vous deux Pierre-Louis et Clément de vous accueillir et de vous signifier l’appel pour devenir configurés au Christ, serviteurs de vos frères et du rassemblement des croyants, ceux qui sont nourris à la table de la Parole, à la table de l’eucharistie, à la table du dialogue et de la fraternité.

C’est Lui Jésus le Christ qui vous a rencontré, 
C’est lui qui vous appelle, et vous confie la mission de le servir à travers les siens, cela comme un don et une grâce.
C’est à lui que vous avez donné réponse, souhaitant que cette vie se déploie dans la relation avec lui et le service des frères.

Nous vivons ce moment en lien avec toute notre Eglise,
Les membres de nos communautés, le presbyterium, les communautés religieuses, et toutes celles et ceux qui nous demeurent liés par la prière.

Je salue et remercie vos parents et les membres de vos familles…
Les représentants des lieux de formation qui vous ont accompagnés.
Les membres du séminaire Redemptoris Mater autour de Julien-Paul Sobas,
Le père Gindre, responsable de l’année diaconale au séminaire de Lyon.
Je remercie aussi les prêtres et les chrétiens des communautés qui vous ont accueillis et auprès de qui vous avez vécu votre ministère de diacre à Cadenet ou ici, à la Paroisse Saint-Symphorien-des-Carmes.

La parole que le Seigneur nous adresse aujourd’hui vient nous éclairer sur cet appel et nous interroger sur notre propre liberté de croyants, de témoins envoyés, appelés à sa suite.

Nous sommes à un tournant de l’Evangile de Luc…
Après les annonces de la passion qui nous présentent un Messie inattendu, souffrant… Luc nous montre aujourd’hui Jésus qui se tourne délibérément vers Jérusalem. « Il durcit sa face pour prendre la route de Jérusalem », cela nous rappelle le serviteur dont parle Isaïe : face à la persécution, ce Serviteur dit « Je ne me suis pas dérobé… j’ai rendu mon visage dur comme pierre, je sais que je ne serai pas confondu ».

Nous percevons sa détermination, qui n’est pas obstination ou volontarisme, mais lucidité et confiance profonde en son Père. Il sait que Dieu ne l’abandonnera pas. « Tu ne peux m’abandonner à la mort, dit le psaume 15, ni laisser ton ami voir la corruption ».

A un moment de sa vie, de son ministère, Jésus a eu à prendre cette décision de ne pas se dérober à sa mission.

Pour aller sur ce chemin, Jésus envoie en avant de lui des messagers. Ils vont d’abord en terre étrangère, là où ils font l’expérience de ne pas être reçus. Et où il leur faut apprendre non pas à rejeter violemment, mais à respecter et à poursuivre le chemin.

Si Jésus envoie, ce n’est pas pour exercer une puissance qui pourrait détruire, mais en recevant un don pour servir.
Il n’est pas possible d’envisager des solutions qui seraient contraires au message annoncé.
Surviennent ensuite trois rencontres qui nous expriment la diversité des appels que Jésus peut faire résonner dans nos vies.

Appel à le suivre sans aucune sécurité matérielle et lieu où reposer la tête.

« Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ». Le serviteur n’est pas plus grand que le maître. Suivre le Christ ne s’enracine pas seulement dans un élan généreux, mais engage une suite qui accepte la précarité du disciple, parce qu’elle est d’abord celle du maître, lui qui se fait le serviteur de tous.

Appel à mettre au-dessus de tout l’annonce du Royaume de Dieu « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars et annonce le Règne de Dieu ».

Appel enfin, à se dégager de tout ce qui pourrait détourner du chemin du disciple. « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu » … 

Voilà ces appels que Jésus adresse. Pour être son disciple, pour marcher à suite, pour aller au-devant de lui. 
Mais ils ne sont pas de la part de Jésus une exigence gratuite.
Ils s’enracinent dans la propre réponse que lui-même donne à l’appel de son Père.
Ils nous invitent à contempler la liberté de Jésus dans sa réponse et à inscrire notre propre réponse dans ce même élan de liberté.

Liberté d’orienter sa vie en réponse à l’appel d’un Autre.
Liberté de Jésus par rapport à des attitudes, des comportements qui ne seraient pas conformes au Dieu qu’il annonce et manifeste.
Voilà la liberté que Jésus manifeste… cette liberté qu’il nous propose…

Saint Paul est l’un de ceux qui l’exprime le mieux : « Vous avez été appelés à la liberté ». Appelés à entrer dans cette même relation d’amour proposée par le Père et qui vient éclairer et déterminer toutes les autres formes de relation… Quand on aime on ne compte pas… quand on aime on ne s’encombre pas…

C’est cette liberté fondamentale de tout notre être qui est éclairée et appelée aujourd’hui par la parole de notre Dieu.
C’est dans cet appel, et au creux de cette liberté qui vous vous présentez aujourd’hui, Clément et Pierre-Louis.
Appel qui s’inscrit dans le lien au Christ et dans le don de l’Esprit dont il vous comble.

Bien sûr, cela n’est jamais acquis, et se joue dans le combat dont nous parle Paul entre l’esclavage et la liberté. Un combat qui ne peut se gagner qu’avec la force de cette relation à Dieu… « Je n’ai pas d’autre bonheur que toi… tu m’apprends le chemin de la vie, devant ta face, débordement de joie ! »

C’est en réponse à cet appel, éclairé par le discernement de l’Eglise, que vous recevez l’ordination pour servir le Christ et le peuple que le Seigneur rassemble pour signifier sa présence et sa tendresse au milieu des hommes.

Le ministère du prêtre vous l’avez découvert, réfléchi, vu vivre par d’autres et particulièrement par les prêtres qui ont contribué à votre formation, et par ceux qui vous accueillent aujourd’hui. Si le concile en particulier nous en redit les fondamentaux, la forme d’expression du ministère a évolué et sera amenée à évoluer encore davantage. 

Le prêtre, nous dit le concile est un être en relation. Relation avec l’évêque, avec les autres prêtres et avec les laïcs. Son caractère propre est d’avoir partie liée à un peuple.

Le ministère n’est pas un en soi. Il n’isole pas. Il est radicalement de nature communautaire et ne peut être rempli que comme « œuvre collective ». Vous devenez prêtres d’un presbyterium et c’est au cœur de ce presbyterium que vous servez le peuple de Dieu.
La relation fondamentale du prêtre est celle qui l’unit à Jésus-Christ, mais cette relation est intimement liée à celle qui l’unit à l’Eglise.

Ainsi, la charité pastorale est le premier lieu de rencontre du Christ et de sanctification du prêtre qui se déploie dans l’annonce de la Parole, la célébration de la liturgie et des sacrements, l’animation de la communauté.

La mission au large doit habiter tout le ministère. Que tout prêtre, parce qu’il est un homme de communion soit un homme de la mission et du dialogue.
Ce chemin de la mission, de l’envoi en avant du Christ, est à tracer aujourd’hui au sein d’une Eglise synodale… avec ce que cela nous invite à chercher sur la manière renouvelée de vivre le ministère en lien avec d’autres.
Ministère essentiel à la vie de la communauté, mais qui ne peut être isolé de sa relation avec les baptisés et la recherche d’un chemin commun pour vivre la mission.

Aujourd’hui, par l’ordination, vous recevez cette mission de servir le Christ et son Eglise en ce temps. Puissiez-vous vivre cette mission toujours reliés à d’autres, au service des hommes et des femmes et de celles et ceux qu’il rassemble pour en faire son peuple.

+ François Fonlupt, Archevêque d’Avignon