Homélie de la Sainte Claire

13 août 2022

11 août 2022
Monastère de La Verdière
Montfavet

Rassemblés pour rendre grâce au Seigneur. Avec Sainte Claire. Rendre grâce pour sa vie, sa vocation, ce rayon lumineux qu’elle déploie, l’appel dans lequel elle entraîne ses sœurs, chacune d’entre vous depuis plus de huit siècles.

Invités à contempler cette profonde relation d’intimité à laquelle elle se découvre appelée, dans laquelle elle est entraînée, pour nous dire, nous redire, que chacun d’entre nous est appelé à une telle intimité avec le Seigneur.

Nous sommes au début du 13° siècle.
Une époque de changement. Les villes explosent, le commerce prend son essor. On sort de la société féodale. Bien des repères bougent.

Les écarts s’accentuent entre ceux qui mettent en place et profitent de cette nouvelle organisation sociale, et les plus pauvres laissés de côté.

On pourrait certainement développer bien des analogies avec la situation que nous connaissons aujourd’hui.

Nous sommes à Assise. Où la ville s’organise selon ce mouvement.
François est fils de marchand.
Claire est d’une famille qui appartient à la noblesse de la ville.

L’un et l’autre, chacun dans son histoire personnelle va se laisser travailler par l’insatisfaction qui le tenaille.
Cette vie riche, insouciante… Cette vie de reconnaissance sociale…Ce vide radical du ‘toujours plus’ ne peut combler.

François vit pleinement, fait la fête, « s’éclate ». Il en a les moyens… mais il cherche autre chose.
Un jour résonne pour lui cet appel : « François, répare mon Eglise ».
Il va y mettre toute son énergie, avec le temps qui lui sera nécessaire pour comprendre que cette réparation ne se joue pas d’abord dans le fait de remonter des murs.

Claire, elle, est habitée par un très profond désir, intime, puissant… Comment le définir ? Désir de relation, désir d’être comblée, désir d’aimer et d’être aimée… ?
Elle va alors aller chercher à puiser à la source qui peut apaiser sa soif, qui puisse ouvrir à ce renouvellement profond. Elle va s’attacher à se laisser toucher par la Parole qui la rejoint, et lui ouvre la porte sur le mystère de Dieu.

Elle se laisse séduire par la pauvreté, cherchant à être suffisamment libre et détachée pour laisser place à l’amour de Jésus.
Elle déploiera ainsi une vie de prière, et progressivement, avec ses sœurs, une vie fraternelle dans la joie et la simplicité.
Fascinée par le Christ pauvre, elle s’attache à le suivre, petite, pauvre, servante, pour vivre de la Bonne Nouvelle de son Evangile, rien de moins, rien de plus.

 

François, Claire ; François et Claire vont ainsi inviter à retrouver cette radicalité de l’Evangile. Parce que tout ne fait pas vivre… tout ne peut pas construire.
Ils vont se mettre à l’écoute de la voix du Christ, de l‘appel du Bien Aimé.

« Lève toi mon amie, ma toute belle, et viens »
Ce poème exprime la recherche amoureuse… il nous dit la recherche de Dieu.
Une des expressions les plus vivres de la quête de Dieu.
Quête qui engage la totalité de l’existence et de l’expérience.
Peut-être le chant le plus approprié de ce que nous sommes appelés à devenir. 

Dieu c’est un amour et un amour qui a besoin de quelqu’un pour recevoir son besoin d’amour.
C’est ce qu’il nous dit dans ce poème où pourtant, il n’est jamais nommé.

 

1. Lève-toi… Viens…

C’est la part de Dieu de nous attirer.
Vocation : c’est l’intervention de Dieu qui nous attire.
La vie religieuse, c’est répondre à ce baiser d’amour que Dieu donne à l’homme.

Jésus nous attire… pour nous conduire au Père.
« Demeurez en moi comme moi en vous. »

« Lève-toi » – Vocabulaire de la Résurrection. 
Elie : « lève-toi et mange »
Passion : « levez-vous, allons »
« Lève-toi et viens »
à la femme courbée… tournée vers elle-même.

Notre vocation première est de regarder du côté de l’autre.
Pouvoir le voir – pouvoir se voir en lui, se recevoir de lui.

2. Nous mettre debout nous oriente vers l’autre. Pour vivre de la relation à l’autre. Pour devenir le sacrement d’une humanité faite pour tous, d’une humanité qui se laisse appeler par Dieu et qui se laisse entraîner dans des chemins de fraternité.
Nous ne pouvons être contagieux que si nous reproduisons l’image de la ressemblance.
L’Esprit qui restaure la ressemblance en jouant avec les différences.

Chacune de vous, mes soeurs, a reçu un appel du Seigneur. Et c’est cette réponse personnelle qui fait vivre sur le chemin de la vie ordinaire simple et pauvre, mais habitée par Dieu.
Mais cela, vous et nous ne le vivons pas isolément.
Cette vie habitée nous engage à l’amour fraternel… sans doute la plante la plus délicate de ce monde, mais aussi la plante la plus vivace, car Jésus en a payé le prix.

Dieu le Bien Aimé devient contemplatif…
Il se dit et se révèle à nous comme contemplatif.
Découvre-moi ton visage… fais-moi entendre ta voix.
Il nous remet debout pour cela.
Il a besoin de cela, il est pauvre, mendiant de cela…

Telle est notre vocation personnelle.
Telle est la vocation de l’Eglise.
Telle est votre vocation communautaire.

Dieu nous contemple.
Et nous appelle à nous contempler les uns les autres.
La contemplation mutuelle est l’ébauche de la communion des saints…
Là est la source de notre joie.
« Cette joie qui dit que l’on est en vérité l’un avec l’autre. »

Prière… demander à Dieu (avec l’aide de Claire) de nous laisser aller vers nous-mêmes… et de le trouver, de nous laisser contempler.
De nous laisser aller vers l’autre plus loin, de le contempler, plus loin que ce que l’on en voit.

Laissons-nous travailler par ce besoin du visage de l’autre… et cette responsabilité de lui laisser voir le nôtre.
Nous devons nous donner mutuellement d’exister.
Pour pouvoir vivre, mais plus encore pour pouvoir vivre nos vœux, nous avons besoin de l’autre, et l’autre a besoin de nous.

Va vers toi-même… Fais-moi voir ton visage.
Montre-moi ton visage car ton visage est beau.
Va vers tes frères et tes sœurs. Car nous sommes voués à la contemplation fraternelle.