Homélie de la deuxième « Messe du Festival » 2022

18 juillet 2022

Messe du dimanche 17 juillet 2022, célébrée à la basilique métropolitaine Notre-Dame-des-Doms d’Avignon et retransmise en direct sur France Culture.

Nous sommes à Avignon, terre de rencontre, terre de brassage, terre de culture…

Avignon qui en ces jours résonne du bruissement des festivaliers, de l’interpellation des personnes invitant au spectacle, du travail des équipes dans les différents théâtres, de tous ceux et celles qui dans la ville rendent l’événement possible par l’investissement, l’hébergement, la table dressée, l’animation…

Une atmosphère si particulière, que nous pouvons regarder du côté de l’organisation voire de l’agitation propre à ce type d’événement, ou du côté du message, de la parole exprimée et accueillie, de la rencontre qui s’y joue en profondeur.

La parole que nous recevons en ce dimanche est bienvenue. Elle nous évoque cette page connue de l’Evangile, où Jésus, entrant dans un village, est accueilli chez deux sœurs, Marthe et Marie dont le comportement contrasté vient nous interroger sur notre propre attitude : activisme, agitation, ou disponibilité, écoute ?

Cet Evangile est éclairé et comme densifié par la première lecture du livre de la Genèse.
Abraham, chef de clan, assis à l’entrée de la tente à l’heure la plus chaude du jour, voit des hommes se tenir debout près de lui… Il se déplace, court à leur rencontre… et se prosterne…
Il les invite à ne pas passer sans s’arrêter, à accueillir son hospitalité.

Nous voyons bien l’enjeu  : laisser se passer les événements, les situations, les personnes… ou s’arrêter, saisir, accueillir… vivre pleinement de la rencontre, et en être renouvelé.

Depuis 1947, et sa fondation par Jean Vilar, le festival d’Avignon, qu’il voulait appeler « Rencontres » vient nous offrir de manière puissante et inédite la perspective de bien des rencontres possibles entre les personnes, avec ce qu’il peut surgir de nouveauté en leur sein, cela à travers la magie du théâtre.

Un lieu écho de notre société de ses attentes, de ses questions, de ses blessures, de ses souffrances, de ses impasses. Un lieu où tout cela s’exprime, nous est proposé, peut être entendu et reçu par chacun. Echo des espérances, des attentes de notre humanité, qui peut ouvrir en chacun des espaces de résonance, de question, et aussi de relation.

Cet événement est précieux pour beaucoup…. Pour ceux qui proposent leur art, pour ceux qui s’en réjouissent, pour ceux qui en vivent… Précieux pour ce qu’il donne de vivre… et ce qu’il peut ouvrir comme horizon.
Il nous faut prendre au sérieux ce qui se déploie en ces journées et ce que cela peut permettre et ouvrir pour la vie des uns et des autres.

Le Pape François invite bien souvent à développer cette culture de l’accueil, de la relation, de la rencontre, à la manière de Jésus, qui passe de lieu en lieu, qui entre dans un village, qui s’arrête et se laisse accueillir, qui reçoit l’hospitalité, qui guérit, qui restaure dans une relation belle avec d’autres, Jésus qui admire la foi des uns et des autres, qui manifeste le salut, une vie renouvelée, qui parle de la proximité du Règne de Dieu et invite à l’accueillir et déjà à en vivre.

Vivre ainsi de la rencontre est passionnant et exigeant. Vivre de la rencontre « pas seulement en voyant mais en regardant, pas seulement en entendant mais en écoutant, pas seulement en croisant les personnes, mais en s’arrêtant avec elles ». Vivre de la rencontre sans passer à côté de l’autre.

Abraham, celui que la Bible nous présente comme le premier des croyants, est celui que nous voyons disponible à la proximité de l’autre, à l’accueil, à l’hospitalité déployée. Il invite à ne pas passer sans s’arrêter près de l’autre. Et de cette disponibilité il reçoit une promesse étonnante d’avenir et de fécondité.
Marie, la sœur de Marthe, ne passe pas à côté de la présence de celui qu’elle accueille en sa maison… et au cœur de cette rencontre se noue une relation qui ne lui sera pas enlevée. 
Nous voilà invités nous aussi à ne pas passer à côté de cette présence offerte à travers la diversité des visages, des paroles… Pour peut-être en recevoir ce qui va nourrir, éclairer, soutenir notre existence et nous entraîner vers d’autres.

Toute rencontre vécue ouvre sur un horizon, un espace nouveau, une promesse… Promesse de vie, inédite. « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance… »

En ces jours, qu’il nous soit donné de ne pas passer sans nous arrêter près de l’autre.

+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon